La route solaire est-elle (finalement) une bonne idée ?

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La première route solaire pour automobiles au monde a été inaugurée en Normandie par Ségolène Royal. Rapidement, ses détracteurs se sont exprimés, lui reprochant un mauvais rendement énergétique.

Explications avec Daniel Lincot, directeur de recherche au CNRS et Directeur de l'Institut de recherche et développement sur l'énergie photovoltaïque (IRDEP)

En inaugurant la toute première route solaire de France, Ségolène Royal a-t-elle fait fausse route ? Le jeudi 22 décembre 2016, la ministre de l'environnement a présenté le premier tronçon installé à Tourouvre-au-Perche, en Normandie. Un kilomètre de panneaux photovoltaïques (technologie Wattway) destinés à être emprunté par 2000 automobilistes chaque jour, le tout pour 5 millions d'euros. Objectif : alimenter les panneaux routiers, les feux de signalisation, l'éclairage ou encore le mobilier urbain environnant.

Mais les critiques ont rapidement fusé. Interrogé par l'AFP, Jean-Louis Bal, président du Syndicat des énergies renouvelables se déclarait par exemple "interrogatif". "On a un prototype à environ 17 euros par watt alors qu'on arrive à 1 euro par watt pour des centrales (photovoltaïques, NDLR) au sol. La question est donc de savoir quel est le potentiel de réduction de ce coût", expliquait-il alors.

 

"Cela pourrait révolutionner le revêtement routier"

En cause donc son rendement énergétique plus faible que celui des panneaux solaires en toiture, et le manque de données sur sa longévité. Faut-il pour autant condamner l'initiative ? "La route solaire va produire moins d'énergie que les panneaux solaires classiques, peut-être la moitié au début, mais attention, il ne faut pas comparer les deux systèmes", explique Daniel Lincot, chercheur au CNRS et directeur de l'Institut de recherche et développement sur l'énergie photovoltaïque (IRDEP). "Elle produit de l'énergie à la place de quelque chose qui n'en produisait pas", ajoute-t-il. En quelque sorte, il ne faut pas penser que la route solaire remplace les panneaux solaires en toiture mais plutôt que la route solaire remplace le bitume et le rendement devient évidemment positif. Car chaque année, ce sont des milliers de kilomètres de route qui doivent être re-bitumées. "Cela pourrait même révolutionner le revêtement routier en termes de matériaux et de multifonctionnalité", se réjouit le chercheur. "C’est d’ailleurs fondamentalement le même processus qui est à l’œuvre dans le bâtiment avec les toitures et même les façades photovoltaïques  aujourd’hui et que l’on appelle BIPV pour Building Integrated PhotoVoltaics". Et le cas échéant, la France serait très bien positionnée.

 

Une transition énergétique sur tous les fronts

Pour Daniel Lincot, "on aurait bien sûr pu installer des panneaux sur les toitures avant de faire de la route solaire. Mais pour le même budget (NDLR : 5 millions d'euros), on aurait fait environ 3 hectares de couverture standard, environ 5 MW de puissance, ce qui est très faible par rapport aux installations déjà réalisées de plusieurs centaines de MW par an, et cela n’aurait donc pas eu d’impact particulier. Là, l'Etat prend un risque, il investit sur une technologie complémentaire pour un démonstrateur innovant à très forte visibilité mondiale, dans le sens de la transition énergétique. C'est un message fort en faveur de l’intérêt du photovoltaïque qui, à mon avis, se répercutera positivement sur les investissements en toitures et non le contraire. Mobiliser toutes les énergies possibles serait-elle une stratégie efficace pour assurer la transition énergétique ? "En outre, l'Etat aide une entreprise - certes privée, en l'occurence Colas - à devenir plus verte. C'est un investissement qui va dans le bon sens de l'histoire", ajoute-t-il. Quid alors des incertitudes techniques et des difficultés de mise en place soulevées par cette expérimentation ? "C'est un grand défi", admet le spécialiste du photovoltaïque. "Mais si cela fonctionne, c'est un énorme marché potentiel. Ce n'est qu'un prototype, son coût de fabrication diminuera. Et cette version est destinée à être améliorée et à évoluer, comme pour toute technologie innovante". En effet, des mesures vont être effectuées très régulièrement et il ne sera possible de connaître son rendement et sa longévité qu'avec... le temps. En attendant, la route est encore longue.

Source : http://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/developpement-durable/la-route-solaire-est-elle-finalement-une-bonne-idee_109562?xtor=RSS-15