Les micro-algues : la ressource énergétique du futur

Et si l’avenir de l’énergie passait par les plantes ?

Alors que l’écologie et l’énergie sont deux secteurs traditionnellement opposés, de plus en plus de projets énergétiques inspirés par la nature voient désormais le jour dans de nombreux pays.

L’une des pistes de réflexion les plus porteuses consiste à exploiter les micro-algues grâce à des photobioréacteurs pour produire de l’énergie et améliorer le bilan carbone des bâtiments.

Plusieurs projets ont déjà été déployés en Europe, et les entreprises spécialisées dans ce domaine fleurissent un peu partout.

En France, les micro-algues s’apprêtent à faire une entrée remarquée : la mairie de Paris compte lancer un test grandeur nature avec une colonne Morris modifiée, dans le XIVè arrondissement. Le but : dépolluer l’air et produire de l’énergie.

Dépollution, énergie : le bonheur est dans les micro-algues

 

On ne les connait pas beaucoup, et pourtant les micro-algues font partie des super-végétaux dont les propriétés naturelles peuvent être exploitées de différentes manières. L’industrie des cosmétiques les utilise déjà, mais depuis cinq ans c’est le secteur de l’énergie et de l’habitat qui se tourne à son tour vers ce petit or vert. Les micro-algues sont naturellement présentes dans la nature et elles peuvent être très facilement cultivées à l’échelle industrielle. Mieux : on peut désormais les combiner à un photobioréacteur pour en produire de l’énergie !

Les micro-algues sont cultivées très facilement dans des cuves remplies d’eau.

 

Les micro-algues sont naturellement dépolluantes : elles aspirent et capturent le CO2 pour ensuite rejeter de l’oxygène. La fermentation de ces micro-algues permet de produire du biogaz utilisable comme carburant pour les véhicules verts. Une fois séchées, les micro-algues peuvent également être exploitées en biomasse. Tout au long de leur cycle de vie, les micro-algues peuvent être exploitées. Et plus intéressant, plusieurs entreprises ont réussi à mettre au point des systèmes dans lesquels les micro-algues sont directement implantées dans les bâtiments afin d’améliorer leur rendement énergétique. Avec les nouvelles normes environnementales entrées en vigueur dans le cadre de la transition énergétique, plusieurs acteurs du secteur de l’énergie voient là l’opportunité de développer des solutions complètes et peu coûteuses qui pourraient facilement être déployées dans les grandes agglomérations où la question écologique est tout aussi préoccupante que celle de l’approvisionnement énergétique.

 

 

Des micro-algues dans le mobilier urbain

 

Elles font partie des éléments les plus connus du paysage parisien : les colonnes Morris sont sur le point de connaître une vraie révolution. La mairie de Paris a donné son feu vert pour tester une colonne Morris nouvelle génération. Mise au point par l’entreprise française Fermentalg en partenariat avec Suez, ce concept de colonne Morris remplie de micro-algues avait été présenté fin 2015 à l’occasion de la COP21, et il avait fait sensation au point de convaincre Anne Hidalgo, la maire de Paris. A l’extérieur, le design de la traditionnelle colonne Morris est scrupuleusement respecté. Mais à l’intérieur, tout a changé : le corps central de la colonne est rempli par un mètre cube d’eau contant des millions de micro-algues. Le processus repose sur le principe de la photosynthèse. La vitre en plexiglas transparent permet aux micro-algues de capturer le CO2 qui se trouve dans l’air pollué pour ensuite le transformer et rejeter de l’oxygène. Une seule colonne peut ainsi purifier autant d’air que cent arbres : une méthode simple et efficace pour dépolluer l’air.

Mais l’astuce du procédé ne s’arrête pas là. Lorsque les micro-algues arrivent en fin de vie, elles sont récupérées grâce à un raccordement au réseau des eaux usées de la ville de Paris. Elles peuvent ainsi être envoyées dans une station d’épuration où leur fermentation permettra de produire du biométhane. Ce dernier pourra ensuite être simplement injecté dans le réseau de gaz de la ville. Pour l’instant, la colonne Morris aux micro-algues est encore en phase de test. Le premier modèle sera installé dans le XIVe arrondissement de Paris, place Victor et Hélène Pasch, pendant l’été 2017. A terme, le déploiement d’une centaine de colonnes Morris de ce type permettrait d’améliorer la qualité de l’air dans la capitale tout en offrant un nouveau levier énergétique.

 

En Suisse, un procédé comparable est déjà entré en test à Genève. Les habitants ont eu la surprise de découvrir que la rampe du pont Buttin avait été modifiée pour laisser la place à un photobioréacteur à base de micro-algues couplé à des panneaux solaires. Des tubes de plusieurs dizaines de mètres sont remplis d’eau et de micro-algues pour dépolluer l’air. Mais l’installation sert aussi à produire de l’énergie. C’est une entreprise franco-néerlandaire, The Cloud Collective, qui est à l’origine de cette structure hybride. Le système est le même que celui de la colonne Morris sauf que l’alimentation de la structure est assurée par les panneaux solaires. Une fois les micro-algues en fin de vie récupérées, elles sont exploitées pour produire des biocarburants ainsi que de la biomasse.

Le photobioréacteur du pont Buttin, à Genève, est constitué de grands tubes installés le long de la rampe.

 

Grâce à ces initiatives, on voit bien que n’importe quel élément du mobilier urbain peut désormais servir de support pour le déploiement d’un photobioréacteur. Ce type de système peut même être couplé à des unités de production d’énergie renouvelable afin d’améliorer encore le bilan carbone.

 

 

Des volets de micro-algues pour produire l’énergie des bâtiments

 

A Hambourg, en Allemagne, les micro-algues font déjà partie du paysage depuis 2013, date à laquelle la ville a inauguré son premier immeuble doté d’une façade de micro-algues. Ce projet un peu fou a fait faire un grand bond en avant en matière de développement énergétique du fait de son innovation centrale : des volets à l’intérieur desquels des micro-algues sont cultivées pour produire de l’énergie. Ces photobioréacteurs se présentent sous la forme de très grands panneaux plats et transparents. Cette bio-façade constituée de volets coulissants permet aux algues de se développer facilement et rapidement. Grâce au processus de photosynthèse qui permet de dépolluer l’air, les micro-algues se chargent aussi en chaleur ; cette énergie thermique est récupérée et sert à approvisionner le bâtiment. Comme dans les systèmes français et suisses, les micro-algues en fin de vie sont ensuite collectées dans de grandes cuves de fermentation pour être transformées en biogaz.

A Hambourg, en Allemagne, un bâtiment a déjà été construit avec en façade des volets remplis de micro-algues.

 

Outre les avantages écologiques, ce système qui exploite les micro-algues permet d’obtenir un bon bilan énergétique pour le bâtiment. Sans pour autant devenir complètement auto-suffisant, il embarque une unité de production d’énergie qui permet de limiter ses besoins. Par ailleurs, les panneaux servent aussi à faire de l’ombre en été, ce qui limite le recours à l’air conditionné et permet là aussi de faire des économies sur la facture énergétique. En France, un tel système a été déployé sur la façade d’un bâtiment à Nantes fin 2013. La mairie de Paris souhaiterait également que ce type de bio-façades se développe à l’occasion de futurs projets d’urbanisme.

Source : http://lenergeek.com/2017/06/07/micro-algues-depollution-air-production-energie/

 

ARTICLE SCIENCE ET AVENIR :

POLLUTION. C'est dans le 14e arrondissement de la capitale, Place Victor et Héléne Basch (communément appelé le "carrefour Alésia"), que va être installée une colonne Morris d'un nouveau genre. Une colonne remplie d'eau dans laquelle vont croître des millions de micro-algues. Objectif : que ces organismes végétaux photosynthétiques capturent le CO2 de l'air, et rejettent de l'oxygène. Exactement comme le font les arbres mais à une échelle bien plus importante. "Un puits de carbone de 1m3 d'eau permet de fixer une quantité de CO2 équivalente à celles de 100 arbres" chiffraient les concepteurs de ce dispositif qui nous avait été présenté durant la COP21 en 2015. Un tel équipement pourrait fixer "au minimum" une tonne de CO2 en une année. "Les travaux d'installation de la colonne ont commencé début avril 2017 et devraient s'achever début mai, pour une mise en service avant l'été" nous a confié un porte parole du cabinet de Célia Blauel, adjointe au maire du 14e arrondissement de Paris où la colonne est en cours d'installation.

"Il s'agit d'une initiative portée par Suez, qui se charge d'installer et de concevoir protocole de suivi et d'évaluation des performances de ce dispositif. Paris ne joue que le rôle de territoire d'expérimentation dans le cadre de notre politique de lutte contre le dérèglement climatique." L'objectif de Suez est donc d'évaluer les performances et des difficultés éventuelles que posent (ou non) une telle colonne dans un milieu urbain. "Le coût du dispositif et de son installation est entièrement pris en charge par Suez" nous précise-t-on.

Un puits de carbone efficace comme 100 arbres

Le groupe français spécialisé dans la gestion de l'eau et des déchets a mis au point ce puits de carbone en partenariat avec la start-up française Fermentalg. Cette colonne nécessite des travaux conséquents puisqu'elle doit-être connectée au réseau de traitement des eaux usées. En effet, passé un certain temps, le milieu de culture se sature et la colonne perd de son efficacité. Une partie de son contenu doit être alors retiré et remplacé par de l'eau fraîche pour permettre aux micro-algues de se multiplier à nouveau. L'ancien contenu de la colonne est alors évacué vers une station d'épuration où il contribuera à la création de biométhane qui pourra-être réinjecté dans les réseau de gaz. La colonne doit également être connectée au réseau électrique afin que soient alimentées les rangées de LEDs qui en éclairent l'intérieur, afin de fournir suffisamment de lumière aux micro-algues. En effet, bien que la colonne soit en plexiglas transparent, la lumière du jour qui parvient à l'intérieur ne suffit pas à assurer une croissance efficace des algues.

Il faut toutefois noter que si cette colonne s'avère efficace, elle ne le sera probablement que contre un seul type de gaz à effet de serre : le CO2. Une capture loin d'être inutile puisque, selon une étude conduite par le Laboratoire d'économie des transports et l'École nationale des travaux publics de l'État, chaque Français émet en moyenne deux tonnes de CO2 par an pour effectuer ses déplacements. Reste que les algues ne sont à priori pas capables d'extraire de l'air d'autres polluants tels que les oxydes d'azote (NOx) dont le trafic routier est responsable de plus de la moitié des émissions, ou les particules en suspension. Idem en ce qui concerne le dioxyde de soufre (SO2), les composés organiques volatils (COVs), le monoxyde de carbone (CO) ou encore les métaux lourds. 

Emissions liées aux activités humaines sur Paris en 2014 ©Airparif

 

Ce n'est pas la première fois qu'un tel dispositif est testé. En janvier 2017, la station d'épuration de la ville de Colombes, gérée par le SIAAP (Service public de l'assainissement francilien) avait été doté d'un dispositif similaire. Mis en service à partir du mois de mars, la colonne expérimentale déployée sur ce site fait, elle, l'objet d'un suivi à la fois par Suez mais également par les exploitants du site. "Nous avons signé un partenariat de recherche. Nous ne sommes pas simplement hôtes de ce dispositif" explique Olivier Rousselot, directeur du département développement et prospective du SIAAP. Nous avons mis en place tout un programme d'essais". Cette campagne d'expérimentation doit se dérouler pendant un an, et devrait donc donner lieu à un rapport chiffré avant l'été 2018. Objectif : évaluer la quantité de CO2 que la colonne peut réellement absorber, combien de biométhane peut être produit par digestion des algues, voir si ces dernières peuvent également capturer des particules fines par adsorption, dresser le bilan énergétique de la consommation électrique de cette colonne...

Deux expériences en régions parisienne

Si l'on en croit Olivier Rousselot, les premiers résultats sont encourageants. "C'est assez enthousiasmant et ça a l'air de bien fonctionner, affirme-t-il. Il nous faut toutefois encore décortiquer le système et voir comment l'améliorer pour une éventuelle industrialisation". Par exemple, doter ou non la colonne d'un système de rinçage, améliorer la dissolution du CO2 dans l'eau ou encore accroître l'efficacité énergétique des LEDs. La différence principale entre ce dispositif et celui en cours d'installation dans Paris est toutefois la concentration de CO2 de l'air à traiter. En effet, la colonne installée sur le site du SIAAP de Colombes est directement branchée sur les fumées de l'incinérateur par un piquage qui en capte une petite partie. L'air injecté dans la colonne est donc très chargé en CO2. Bien plus que celui que l'on respire dans la capitale, même au milieu d'un carrefour.

L'efficacité sera-t-elle au rendez-vous ? Est-il pertinent de déployer de manière plus intense de tels dispositifs pour éponger une petite partie du CO2, en parallèle d'autres mesures environnementales ? Réponse, peut-être, dans quelques mois. 

Source : https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/paris-teste-une-colonne-morris-transformee-en-puits-de-co2_112461