Bordeaux s’offre un site expérimental pour les hydroliennes

Le site d’expérimentation installé en plein centre-ville est unique au monde. Les PME spécialistes de cette énergie renouvelable visent d’abord l’export.

 

La barge est amarrée dans la Garonne en plein Bordeaux. Il ne s'agit ni de fouilles archéologiques et encore moins de recherche pétrolière mais d'énergie renouvelable. A quelques mètres du vénérable pont de pierre, on vient de créer le premier « Site expérimental estuarien national pour l'essai et l'optimisation d'hydroliennes » (Seeneoh). Un site unique au monde offrant des conditions particulières.

En raison de l'existence des piles du pont, la Garonne soumise à de forts courants de marées voit à cet endroit son débit s'accélérer avec une vitesse de l'eau atteignant les 3,6 mètres par seconde. 

« Développer une filière suppose que les fabricants de turbines puissent tester leurs machines. Ici les effets de la marée et la force du courant permettent de simuler ce qui se passe en mer, avec en outre une grande quantité d'alluvions qui mettent les machines à rude épreuve. Tout en offrant le confort des installations portuaires, l'accessibilité et la facilité de raccordement au réseau électrique », résume Marc Lafosse, fondateur de la société Energie de la Lune et initiateur d'un projet qui permet de tester trois machines en même temps.

 

Investissement d'avenir

L'investissement de 3 millions d'euros a été apporté par les Investissements d'avenir et les partenaires du projet : SEML Route des Lasers (constructeur du site), Valorem (suivi de la performance énergétique), Energie de la Lune (étude des impacts environnementaux), Cerenis (suivi mécanique), Valemo (opérations et maintenance).

L'essentiel du marché des hydroliennes fluviales se situe pourtant bien loin de l'Hexagone. Notamment sous les tropiques pour servir en énergie les habitants de zones non connectées à un réseau. C'est l'ambition de la société HydroQuest, la première à installer une de ses machines sur Seeneoh dès le mois prochain.

 

Estuaires et atolls polynésiens

A Bordeaux, l'objectif est de tester une nouvelle hydrolienne compatible avec l'activité d'un estuaire. « Elle est hybride. Si elle est de la taille d'une turbine fluviale, elle fonctionne comme en mer, suivant les deux sens de la marée », résume Jean-François Simon, le PDG d'HydroQuest. Ce marché de l'énergie hydrolienne fluviale, des estuaires et des atolls polynésiens est estimé par Jean-François Simon à 10.000 gigawatts d'ici à dix ans : « c'est dix fois moins important que le grand hydrolien marin et cela n'intéresse donc pas les grands groupes. A 2 millions d'euros pour chaque mégawatt installé, c'est un marché qui pèserait pourtant 20 milliards d'euros. »

D'où l'intérêt des PME pour ce secteur. A l'image de Hydrotube Energie, qui a obtenu l'autorisation de tester son hydrolienne en aval du pont de pierre. « Nous comptons réaliser nos premières ventes dès l'année prochaine », assure Antoine Mialocq, le directeur général. Même ambition pour EcoCinetic ou Guinard Energies. Le premier a déjà installé une douzaine de petites unités en République populaire du Congo permettant d'alimenter quelques maisons et une école. « Nous avons des projets au Congo Brazzaville et au Bangladesh et anticipons un chiffre d'affaires de 3,5 millions d'euros pour l'année prochaine », assure Bruno Poisson, le directeur général, également à l'initiative de la toute jeune Fédération France Hydrolien fluvial, estuarien et marin (FFHF). « Le bassin du fleuve Congo présente un potentiel considérable qui permettrait d'alimenter l'ensemble du pays sans avoir à construire d'énorme barrage », confirme Paul Guinard.

 

Identifier les gisements

Il reste que le marché est tout juste émergent. Bertin Technologies, qui a testé une hydrolienne dans l'Adour, n'envisage pas une commercialisation dans l'immédiat. « Je crois beaucoup à l'énergie décentralisée mais je ne vois pas encore le marché pour l'hydrolien fluvial. Avant de se précipiter il faut passer par une phase d'identification précise des gisements, des besoins et des usages », insiste Germain Gouranton, directeur de Bertin Energie Environnement. D'autant qu'à l'export, cette filière fait face à une offre solaire bon marché, maîtrisée avec un minimum de maintenance. D'où l'intérêt pour cette jeune filière de se structurer, note Marion Lettry, déléguée générale adjointe au Syndicat des énergies renouvelables : « En dehors de l'appel à projets de l'Ademe remporté par CNR et HydroQuest, l'Etat n'a pas encore mis en place le cadre permettant de soutenir cette filière autour des hydroliennes fluviales. »

FRANK NIEDERCORN 

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