Communautés énergétiques : quand les citoyens bousculent le marché de l’électricité

« Nos clients sont en train de devenir nos concurrents. C’est la pire chose qu’il puisse arriver à une industrie ».

Cette observation du directeur de l’innovation ouverte d’un énergéticien historique montre à quel point le marché de l’énergie, jusqu’ici très centralisé est en train de se transformer du fait de l’apparition de consomm’acteurs, clients actifs à la fois producteurs et consommateurs d’énergie.

Il en existe différentes sortes : les « consomm’acteurs » résidentiels, qui produisent de l’électricité à domicile – principalement grâce à des panneaux solaires photovoltaïques sur leurs toits ; des communautés énergétiques qui regroupent des citoyens dans des modes de production d’énergie renouvelable ; et des « consomm’acteurs » commerciaux dont la principale activité n’est pas la production d’électricité ; et des institutions publiques comme les écoles ou les hôpitaux qui installent des panneaux PV sur leurs toits ou ombrières de parking.

Leur émergence tient à plusieurs facteurs. Au cours des dernières années, les technologies d’énergie renouvelable ont vu leur prix chuter, rendant leur commercialisation possible sur un marché élargi. Les tarifs de rachat de l’électricité verte mis en place par le gouvernement demeurent pour le moment attractifs même s’ils sont en baisse constante. Les citoyens témoignent par ailleurs l’envie de jouer un rôle dans le développement de ce secteur renouvelable, et la libéralisation du secteur permet la mise en place de nouvelles pratiques.

Si individuellement, ces consommateurs-producteurs paraissent anodins, ils peuvent en s’associant devenir disruptifs et concurrencer les systèmes d’énergie centralisés. Les communautés énergétiques ont-elles vraiment le potentiel pour bouleverser le marché de l’électricité ? Nous nous appuyons ici sur l’analyse d’une trentaine d’entretiens réalisés en 2019 auprès de communautés énergétiques en France et aux Pays-Bas.

Des initiatives impulsées par les citoyens

La notion de communauté énergétique fait référence à une pluralité d’initiatives, bien qu’on l’associe généralement aux projets énergétiques citoyens, tels que Buxia Energie, Energ’Y Citoyennes ou Grési21 en Isère.

Ces groupements réunissent des citoyens, souvent associés à des collectivités, des entreprises ou des associations qui veulent produire ensemble et localement de l’énergie renouvelable, ou mener des actions en faveur de la maîtrise de l’énergie. Hoom, aux Pays-Bas, soutient les coopératives qui souhaitent mener des actions individuelles ou groupées de rénovation énergétique de bâtiment. Le but est de promouvoir le tissu économique et social du territoire, et de permettre aux revenus générés de profiter à la communauté.

De manière peut-être moins intuitive, on note qu’un nombre croissant d’entreprises surfe sur l’idée de créer des communautés énergétiques afin de se différencier de la concurrence. Ces entreprises développent notamment des plates-formes, qui reposent sur la mise en relation de petits, voire de très petits producteurs d’un côté, et de consommateurs de l’autre.

Un plus grand succès aux Pays-Bas qu’en France

Aux Pays-Bas par exemple, Powerpeers propose depuis 2017 aux foyers de vendre leur surplus d’énergie à leurs voisins, parents ou amis. La plate-forme permet également aux foyers d’acheter de l’énergie, quand ils n’en produisent pas assez, au club de foot dont ils font partie ou à la radio qu’ils écoutent tous les matins…

Certaines entreprises autorisent également leurs clients, syndic de copropriété ou copropriétaires, à faire de l’autoconsommation collective. C’est le cas d’Urban Solar Energy en France, qui met en place des centrales photovoltaïques sur le toit d’immeubles et assure une répartition équitable de l’électricité produite entre chaque participant.

Selon le recensement effectué par l’association Énergie partagée – qui rassemble au niveau national la plupart des acteurs de l’énergie citoyenne – il existe en France 315 communautés énergétiques, réunissant 11 000 actionnaires. Ensemble, ils produisaient en 2016 0,2 % de la production annuelle française d’électricité renouvelable.

Le mouvement est balbutiant par rapport aux Pays-Bas où il existe une coopérative dans les 2/3 des villes du pays. Là-bas, les communautés énergétiques atteignent presque le nombre de 500, regroupent plus de 70 000 citoyens (1 % des foyers néerlandais) et possèdent 2 % de l’énergie solaire installée. À elles seules, les communautés éoliennes néerlandaises produisent assez d’énergie pour 120 000 foyers.

 

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