L’incroyable héliodome, véritable maison solaire !

10 ans après la construction du tout premier Heliodome, à Cosswiller, le bilan est positif. De plus en plus de projets voient le jour, qu'il s'agisse de maisons, de gîtes ou encore d'entreprises.

Ces bâtisses exposées plein sud, aux baies vitrées inclinées, absorbent les rayons du soleil l'hiver et restent ombragées l'été. L'objectif : réaliser des économies d'énergie.

Quasiment pas de chauffage, une faible consommation d'électricité, le concept séduit et les propriétaires apprécient aussi l'esthétique de l'Heliodome.

Reportage Muriel Kaiser, Arnaud Rapp.

 

C'est une maison extraordinaire, conçue à partir de la trajectoire du soleil et très économe en énergie. Un concept vieux comme le monde, redécouvert par un ébéniste-designer alsacien, meilleur ouvrier de France et passionné d'architecture.

Éric Wasser a construit l'Héliodome, littéralement la "maison solaire", dans son village natal, Cosswiller, où sa famille est installée depuis le 17ème siècle. Au détour d'une petite rue qui serpente vers les hauteurs de la commune, on découvre cet étrange disque de verre, de bois et de béton de 10 mètres de haut, comme un OVNI planté dans le sol.
La bâtisse évoque, au choix, une toile d'araignée ou un cadran solaire. Éric Wasser acquiesce.

"C'est sculpté, avec des facettes. C'est un petit peu comme si on avait couché un diamant dans le sol. En fait, cette forme est l'archétype des trajectoires du soleil."

Des trajectoires qui sont différentes suivant les latitudes et le lieu d'emplacement de la maison et qu'Éric Wasser a longuement étudiées, se plongeant dans de vieux traités sur les cadrans solaires avant de réaliser une première maquette de sa maison. Depuis son achèvement en 2011, celle-ci fait figure de maison témoin de ce concept architectural.

Durant l'été, l'inclinaison de la maison maintient sa face vitrée à l'ombre et préserve la fraîcheur à l'intérieur. L'hiver, cette même face vitrée de 160 mètres carrés, exposée plein Sud, profite des rayons plus obliques du soleil, plus bas dans le ciel.

Le moindre rayon de soleil en hiver va donc réchauffer le bâtiment, la structure en béton procure une inertie pour quelques jours. Cela fonctionne parfaitement, même dans une région où le soleil n'est pas toujours au rendez-vous !

"C'est sûr qu'en Alsace on a des moments où on a du brouillard et donc, à ces moments-là, il nous faut un petit complément de chauffage. Mais même avec ce complément, on est au maximum à 20%, voire 30% des besoins normaux d'un bâtiment. Le reste, c'est tout simplement la nature qui nous l'offre."

Pour en avoir le cœur net, on se réfugie à l'intérieur en cette journée d'automne où il ne fait ni très beau, ni très chaud. Passé la porte d'entrée, la température est agréable, sans la moindre flambée dans le poêle à bois, seul chauffage d'appoint. Éric Wasser dit y brûler deux à trois stères de bois par hiver, pas plus. Une quantité très raisonnable vu la surface habitable de 200 mètres carrés.

Des principes qui remontent à l'antiquité

La maison est aussi agréable parce que baignée de lumière : l'immense façade vitrée donne l'impression d'être en pleine nature. L'Héliodome a gagné le concours Lépine en 2003 mais Éric Wasser, aujourd'hui à la retraite, a mis des années à concrétiser ce projet sur lequel il a commencé à réfléchir dès ses années d'études.

"Je n'avais pas encore 20 ans quand j'ai demandé à mon prof : eh m'sieur, il est où le soleil aujourd'hui dans l'architecture ? Il était dans toutes les cathédrales, dans toutes les pyramides, il a même orienté des villes dans la Grèce antique. On peut faire un tour du monde de toutes les civilisations, partout le soleil est toujours présent dans l'architecture. Toutes ces belles choses ont fait l'histoire, pourquoi ne continuerait-on pas à l'écrire aujourd'hui ?"

Éric Wasser n'a pourtant pas vendu beaucoup d'Héliodomes jusqu'à aujourd'hui. Une dizaine au total, de tailles et de formes différentes, mais toujours conçues en accord avec la trajectoire du soleil. Leur coût de construction est, il est vrai, un peu plus élevé qu'une maison traditionnelle. Il faut aussi trouver les artisans et les entreprises prêtes à se lancer dans ce défi : construire des bâtiments dépourvus du moindre angle droit n'est pas tout à fait dans les habitudes des métiers de la construction !

Mais il s'est associé à un promoteur qui croit au concept. De nouveau projets sont en cours et Éric Wasser est persuadé qu'avec cette architecture solaire on pourrait construire des immeubles, et même des villes entières, plus durables et moins dépendantes de la technologie pour les chauffer, les ventiler ou les rafraîchir.

"Une technologie a une durée de vie très courte. On est toujours en train de l'améliorer, donc de la remettre en question en permanence. On construit des bâtiments qu'on équipe systématiquement de technologies. Moi, ce que j'aimerais bien, c'est qu'on construise assez intelligemment pour que la simple géométrie du bâtiment puisse déjà nous faire économiser une grande partie de ses besoins."

Peu de chauffage, pas de climatisation, à l'heure du réchauffement climatique, ça prend du sens.

source : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/esprit-d-initiative/esprit-d-initiative-du-lundi-12-decembre-2022-2116566