À Montpellier, ils proposent du bio en vrac et accessible aux plus démunis

 

À Montpellier, les adhérents d’une association organisent l’achat et la distribution d’aliments bios, le tout à prix coûtant.

L’objectif : rendre accessible de la nourriture de qualité tout en créant des liens.

 

« Qui a commandé des amandes ? » ; « Par ici les lentilles ! » En ce jeudi après-midi, le centre social L’île aux familles a pris des airs de marché. Coincé entre les barres d’immeubles du quartier de la Mosson, à Montpellier, il fourmille d’une activité inhabituelle. Sur des tables soigneusement alignées dans le hall d’entrée, s’étalent des seaux aux contenus appétissants : miel, fruits secs, plantes aromatiques, légumineuses colorées…

Au milieu du brouhaha, Fatima consulte sa liste : dattes, farine, noisettes, chocolat… « Ici, on trouve de bons produits, bien moins chers que dans d’autres magasins », se réjouit-elle. Elle sort de son cabas de grands bocaux. Car ici, tout est en vrac, tout est bio… et à des prix imbattables. 12,48 € pour un kilo d’amandes, en provenance d’Italie — contre 28 € dans un magasin Carrefour ; 0,71 € le kilo de farine produite localement, ou encore 5,10 € le litre d’huile d’olive extra vierge andalouse.

« Notre objectif, c’est de rendre accessible à tous une alimentation de qualité, digne et durable, dit Laure Viart, coordinatrice au sein de Vrac et Cocinas, l’association qui porte le projet. Les habitants des quartiers populaires, pour des raisons financières, géographiques aussi [1], n’ont souvent pas la possibilité d’acheter des produits de qualité. » À ses côtés, Sofia, animatrice au centre social, acquiesce : « Beaucoup de familles aimeraient acheter bio, pour l’environnement, pour leur santé, mais n’en ont juste pas les moyens. »

« Nous voulons lutter contre les inégalités alimentaires »

L’alimentation est un marqueur des inégalités sociales en France. D’après une étude de l’Anses [2], les plus pauvres mangent moins et plus mal que les classes aisées, consommant davantage de sodas, viande, produits industriels. La précarité alimentaire [3] explose, en particulier depuis la crise sanitaire. D’où l’ambition de Vrac et Cocinas, créée en décembre 2020 : « Nous voulons lutter contre les inégalités alimentaires », résume Laure Viart.

Ce tour de force, l’association l’a réalisé en partant du modèle du groupement d’achat : il s’agit habituellement d’un collectif de personnes qui s’organisent afin d’acheter des produits en direct auprès des producteurs. À la Mosson, comme dans les autres quartiers où l’association intervient, c’est Vrac et Cocinas qui assure la logistique : trouver des producteurs — « toujours en bio, et le plus possible en local » —, regrouper les commandes de tous les adhérents, effectuer et réceptionner les livraisons, et organiser l’épicerie mensuelle, où l’on vient récupérer ses courses.

À chacun ses bocaux

« Nous arrivons à faire baisser les prix en achetant à prix coûtant, directement auprès des producteurs, en grande quantité et en vrac », dit Laure Viart. Des apiculteurs héraultais leurs livrent ainsi chaque mois du miel de châtaignier à 8 € le kilo, mais non conditionné en bocaux. À chacun et chacune d’amener ses récipients, remplis sur place par des bénévoles-adhérents.

« Les membres du groupe sont invités à participer à toutes les tâches du groupement, comme les commandes ou la gestion de l’épicerie, explique la coordinatrice. L’idée, c’est que les groupes deviennent peu à peu autonomes, et que l’asso s’efface. Notre but est de redonner du pouvoir aux gens. »

La distribution permet de nouvelles rencontres et discussions. © David Richard / Reporterre

Devant l’étal de légumineuses, Dominique sert précautionneusement les lentilles vertes tout en discutant. « On échange avec des voisins, des gens qu’on n’aurait pas rencontrés sinon », s’étonne presque cette retraitée, qui vient ici pour la première fois.
Quelques tables plus loin, Fassila accueille les nouveaux arrivants, à grand renfort de café et de thé chauds. « Une voisine m’a parlé de l’épicerie, et maintenant j’y viens tous les mois, parce que les produits sont bons, mais aussi pour rencontrer de nouvelles personnes », sourit-elle. Nouvelle recrue, Jacky abonde : « C’est un endroit accueillant. »

Une dimension conviviale essentielle aux yeux de Samuel Levallois, psychologue et cuisinier, cofondateur de Vrac et Cocinas : « La cuisine, l’alimentation, c’est un outil de lien social, insiste-t-il. Ça rassemble, c’est fédérateur. » L’association organise d’ailleurs des repas collectifs avec sa cuisine mobile, attelée à une bicyclette, mais aussi des conférences, des films et des animations sur le sujet.

4 500 adhérents et 70 groupements

Lancée en février dernier, l’épicerie de la Mosson séduit les riverains. Plus d’une centaine d’adhérents, et une soixantaine de commandes mensuelles. Vrac et Cocinas accompagne trois autres groupes, à Montpellier. À l’échelle nationale, le réseau Vrac — Vers un réseau d’achat en commun — compte aujourd’hui plus de 4 500 adhérents et 70 groupements d’achats dans des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

L’association privilégie les productions locales. © David Richard / Reporterre

« Ça reste une goutte d’eau, reconnaît Boris Tavernier, du réseau Vrac. Nous œuvrons aussi à changer les politiques publiques afin de rendre l’alimentation de qualité accessible à tous et toutes, tout en soutenant nos paysans. »

 

Pour lui, ni le système d’aide alimentaire — qui permet d’écouler les surplus de l’industrie agroalimentaire — ni le chèque alimentaire ne sont des solutions : « Il faut une sécurité sociale de l’alimentation, où chacun cotiserait selon ses moyens et où tous et toutes recevraient la même somme pour bien se nourrir, en produits locaux et paysans », dit M. Tavernier. Une sorte de groupement d’achat citoyen à l’échelle du pays.

source : https://reporterre.net/A-Montpellier-ils-proposent-du-bio-en-vrac-et-accessible-aux-plus-demunis