Le bio gratuit pour les femmes enceintes, un succès à Strasbourg

Après un an d’expérimentation, Strasbourg va élargir ses « ordonnances vertes ». Il permet aux femmes enceintes de recevoir gratuitement des paniers de légumes bio et des conseils contre les perturbateurs endocriniens.

« J’ai pris conscience d’à quel point il était important de bien manger. » En quelques mois, Souhire a changé ses habitudes alimentaires. La jeune femme a reçu gratuitement et chaque semaine un panier de fruits et légumes bio financé par la mairie de Strasbourg. L’équivalent d’une quinzaine d’euros hebdomadaires non déboursés : « Ça compte dans un budget », sourit cette mère de famille nombreuse. La trentenaire fait partie des 800 Strasbourgeoises à avoir bénéficié du dispositif « ordonnances vertes ». Bientôt, elles pourraient être 1 500.

Lancée par la Ville en novembre 2022, cette expérimentation permet aux professionnels de santé strasbourgeois de prescrire aux femmes enceintes qui le souhaitent des ateliers de sensibilisation à la santé environnementale et des distributions de paniers de légumes bio. Objectif : les informer sur la présence de perturbateurs endocriniens dans leur environnement pour mieux les aider à s’en prémunir, à un moment où leurs enfants à naître y sont particulièrement sensibles. Le 19 septembre, la Ville a annoncé la pérennisation du dispositif.

L’expérimentation a atteint son objectif avant même de souffler sa première bougie. « C’est un succès, s’est réjoui Alexandre Feltz, élu Europe Écologie-Les Verts (EELV), médecin et adjoint à la maire de Strasbourg en charge de la santé. Sur un dispositif de santé publique, on est déjà heureux quand on touche 10 à 15 % du public cible. Là, on estime qu’un quart des Strasbourgeoises enceintes sur une année ont pu en bénéficier. »

Les « ordonnances vertes » semblent par ailleurs avoir amorcé des changements durables pour les participantes, puisque « 90 % des femmes interrogées disent vouloir continuer à manger bio par la suite ».

« Des informations auxquelles nous n’avons pas accès »

Promue par les maisons de santé installées dans les quartiers prioritaires de la ville (QPV), l’expérimentation a profité à des femmes de tous les milieux. Mère au foyer de 31 ans, Souhire est entrée dans le dispositif en juin, au cours de son deuxième trimestre de grossesse, après en avoir parlé avec une voisine bénéficiaire. « Les ateliers sur les perturbateurs endocriniens m’ont particulièrement marquée. J’ai apprécié avoir des informations scientifiques, ce sont des choses auxquelles nous n’avons pas forcément accès, ici, dans le quartier. Et sur internet, on trouve un peu tout et n’importe quoi à ce sujet. »

Une observation empirique en phase avec une réalité sociale : selon une étude Harris Interractive publiée en 2015, 86 % des cadres sont informés sur les risques des perturbateurs endocriniens contre 59 % des ouvriers.


Les légumes bio distribués sont cultivés à la ferme Saint-André, au nord de Strasbourg. © Anne Mellier / Reporterre

Déjà mère de trois enfants, la jeune femme reconnaît avoir plus souvent essayé d’acheter « beaucoup pour pas trop cher » plutôt que bio. Tout en essayant de faire attention à la qualité des produits, frais de préférence. À l’issue du dispositif, Souhire et son mari ont l’intention de « faire des sacrifices » pour que leurs enfants puissent continuer à manger bio. « Au moins pendant les 1 000 premiers jours du bébé », l’une des trois périodes à risque avec le stade fœtal et l’adolescence.

1 500 femmes à partir de 2024

Consciente de l’importance de la prévention pour réduire les inégalités de santé, la municipalité a décidé de pérenniser les « ordonnances vertes ». En juin dernier, le conseil municipal a voté la reconduction du dispositif pour trois ans avec quelques ajustements.

À partir de janvier 2024, le nombre de paniers bio distribués sera désormais adossé au quotient familial : les femmes les plus modestes en recevront un par semaine pendant sept mois, contre deux mois pour les plus aisées. « Le temps minimal nécessaire pour initier des changements d’habitudes selon les études », a détaillé la maire de Strasbourg, Jeanne Barseghian, qui voit dans cet investissement de 700 000 euros pour la collectivité une possibilité d’économies sur le système de santé à plus long terme. Ainsi qu’un soutien à l’agriculture biologique.

La maire Jeanne Barseghian remet un panier bio aux participantes du dispositif. © Anne Mellier / Reporterre

À l’issue des annonces de la ville de Strasbourg, la députée EELV de la première circonscription du Bas-Rhin, Sandra Regol, a annoncé avoir déposé une proposition de loi pour nationaliser le dispositif. « La question des perturbateurs endocriniens est symptomatique du système dans lequel on évolue. Plus l’on est pauvre, plus on est exposé aux perturbateurs endocriniens dans les produits d’hygiène ou dans la nourriture et moins l’on est informés sur leurs effets. C’est inacceptable. »

Le coût d’une telle mesure s’élèverait à 700 millions d’euros par an. Celui des coûts engendrés par les perturbateurs endocriniens est estimé à 160 milliards d’euros pour les systèmes de santé européens.

Source : https://reporterre.net/Le-bio-gratuit-pour-les-femmes-enceintes-un-succes-a-Strasbourg